16.7.08

Ay Nicaragua, Nicaragüita …


Comme on dit en espagnol, « borrón y cuenta nueva ». On efface tout et on commence une nouvelle page blanche (ou on recommence). Combien connaissent cette sensation que l’on ressent quand on a les poches entièrement vides ? Pas de clés ni de portable, plus de voiture, plus d’appartement, plus de contrats, pas d’enfants ou de personnes à charge, pas d’argent à gérer, la Libertad ! Et bien c'est une sensation à la fois excitante et perturbante, tout d’un coup est possible, le meilleur comme le pire.

Il y a 10 ans de çà je commençais ma ballade dans le continent américain. D’abord le nord, puis le sud. Il me manquait le centre, le centre du monde. En 1996 je mettais les pieds pour la première fois dans le sud crasseux des Etats-Unis, pour y travailler 2 mois le temps d’apprendre l’espagnol (sic). En 1997 6 mois cette fois en Pennsylvanie pour un projet de fin d’études plutôt laborieux. Et puis à partir de 1999 l’Amérique du Sud, côté zones industrielles. D’abord le Brésil, puis l’Argentine, l’Uruguay en enfin le Venezuela. Ma découverte de l’Amérique du Sud coïncide avec mon départ de Lyon, et pendant un temps c’est l’Espagne qui a pris le relais de l’Amérique latine, en partie du moins. Car depuis mon premier voyage en Amérique latine je n’ai jamais plus vraiment quitté cette culture.

A l'exception peut-être de ma parenthèse Liègeoise. Toutes les villes où l'on a habité nous laissent en souvenir des lieux, des odeurs. Paname l’épuisante avec sa rue des Canettes et son Pousse au crime, Barcelone, « la Ciudad Condal », la douce et créative avec le quartier immigré du Raval, et puis Liège, « la Cité Ardente » avec son Carré comparable au quartier français de la Nouvelle-Orléans mais nettement plus sympa. Liège c’est aussi la ville de Caro ! Caroline c’est la Wallonie avec des couettes, celle qu’on ne quitte jamais complètement. C’est aussi le sourire et le talent, et c’est surtout mon invitée de marque sur ce Blog. L’auteur des illustrations, merci Caro !!!

J’ai appris il y a peu un nouveau mot en espagnol, « puentear », qui n’apparaît sans doutes dans aucun dictionnaire. C’est un mot inventé par la rue pour dire « tendre un pont ». Et il résume assez bien ce voyage. Rendez-vous est donc pris au Nicaragua, le pays le plus pauvre du continent après Haïti, et en particulier dans la région Atlantique, la moins développée du pays où se côtoient métisses, indiens et créoles. Ce voyage a une logique inverse, celle de remonter vers le sud. C’est la route inverse de celle suivie par des millions de gens pauvres qui tentent de gagner le nord et les Etats-Unis pour fuir la misère, souvent la répression. Moi j’arriverai de Cancún (Gringolandia) pour rejoindre l’état du Chiapas sur la côte Pacifique Mexique, celui des Zapatistes en lutte pacifiste depuis 15 ans pour la dignité. De là-bas je descendrai à travers la forêt tropicale pour traverser les frontières du Guatemala, du Honduras et enfin du Nicaragua.

Ce chemin à l’envers forme une sorte de pont entre la petite histoire et la grande. Et quand je parle de la petite histoire je ne parle pas de la mienne, mais de celle de ces peuples maltraités puis oubliés par la grande Histoire. Mais vous me direz que si la petite histoire n’est pas la mienne alors qu’est-ce que je vais faire là-bas ? Dur à répondre, disons que c’est la suite logique de mon voyage commencé il y a maintenant 10 ans.

L’ONG avec laquelle je pars a été fondée par les 2 fils d’une femme franco-américaine qui s’est battue pour la préservation de la communauté des indiens Rama dont moins de 1000 membres subsistent sur la côte Atlantique du Nicaragua. Ses fils ont par la suite décidé d’apporter à leur tour leur soutien à cette communauté ainsi qu’à d’autres de la région. Préservation de leur culture et de leur habitat, développement durable à travers les énergies renouvelables, mise en place d’un système de gestion de l’énergie communautaire pour tous, implication des communautés dans le projet à tous les niveaux, ainsi que d’universités et d’organismes nationaux pour l’étendre ensuite à d’autres régions.

Il n’y a pas très longtemps de cela, une amie brésilienne venue étudier en France m’a dit la chose suivante : « mais si tu veux aider les gens, pourquoi n’aides tu pas les gens pauvres dans ton pays ? ». La seule réponse que j'aie trouvée a été de lui dire que j’y allais pour apprendre et partager. Ce à quoi elle a répondu : « dans ce cas tu as raison d’y aller, car là-bas tu découvriras que l’on peut donner sans rien attendre en retour ».